Burn-out parental : comment le reconnaître ?

Pouvez-vous définir ce qu’est le burn-out parental ?

 Moira Mikolajczak : Le burn-out parental est un syndrome d’épuisement qui découle d’une exposition prolongée au stress lié au rôle de parent, en l’absence de ressources suffisantes pour compenser.  Les symptômes caractéristiques du burn-out parental  apparaissent dans l’ordre suivant :

– Une sensation d’épuisement émotionnel (sentiment de ne plus en pouvoir), cognitif (impression de ne plus arriver à réfléchir correctement) et/ou physique (fatigue) lié à son rôle de parent.

– La saturation, caractérisée notamment par un sentiment de « trop plein », et par l’absence de plaisir dans le rôle de parent.

– La distanciation affective : le parent n’a plus l’énergie de s’investir dans sa relation avec son enfant et va donc y prêter moins d’attention et d’importance, moins montrer à son enfant qu’il l’aime.

– Le contraste avec la manière dont le parent vivait sa parentalité auparavant, engendrant honte et la culpabilité.

Bien que l’étude de ce phénomène soit encore très récente, on estime aujourd’hui que le burn-out parental pourrait toucher entre 5 et 7% des parents.

Quelles sont les conséquences du burn-out parental sur la sphère familiale ?

 Moira Mikolajczak : Au niveau du parent lui-même, les études ont montré que le burn-out parental avait les mêmes conséquences que le burn-out professionnel : troubles du sommeil, problèmes de santé, augmentation de la consommation d’alcool, idées suicidaires. Au niveau des enfants, on voit d’abord apparaître la négligence de leurs besoins émotionnels puis seulement, la négligence de leurs besoins physiques. On voit également surgir une violence verbale. Lorsque le burn-out parental est sévère, cela peut même aller jusqu’à la violence physique. Enfin, le burn-out parental augmente l’irritabilité, que le parent épuisé va décharger le plus souvent sur son conjoint. Cela va augmenter la fréquence des conflits conjugaux ainsi que la probabilité d’épuisement pour le deuxième parent.

Quelles sont les principales raisons qui font qu’un parent va faire un burn-out ?

Moira Mikolajczak : Chaque burn-out a son histoire. Le point commun de tous les parents en burn-out, c’est ce “trop plein” de stress par rapport à leurs ressources. En revanche, ce qui « stresse » le parent peut être très différent d’une personne à l’autre. Certains seront excessivement angoissés parce qu’ils ont des enfants “difficiles” ou en difficulté scolaire. D’autres le seront à cause du peu d’aide du conjoint ou de la famille. D’autres parents encore ont des enfants très “faciles” mais sont excessivement stressés parce qu’ils mettent la barre trop haute. Les études montrent d’ailleurs qu’avoir des standards parentaux trop élevés est un gros facteur de risque par rapport au burn-out parental.

La société et les réseaux sociaux n’ont-ils pas une responsabilité dans cette pression qu’on ressent à être un parent parfait ?

Moira Mikolajczak : Oui, les sociologues montrent que la pression qui pèse sur les parents d’aujourd’hui est bien plus importante que celle qui pesaient sur les épaules de nos grands-parents. Aujourd’hui, le parent est sans cesse soumis à des injonctions lui disant ce qu’il doit faire (« 5 fruits et légumes par jour » ; prendre le temps de comprendre les émotions de son enfant…) et ce qu’il ne peut pas faire (pas de fessée, pas d’écran avant 3 ans, pas de jeu vidéo avant 6 ans…). Et les réseaux sociaux contribuent beaucoup à cette pression : chacun poste en ligne le meilleur de sa parentalité, et oublie de parler des moments difficiles. Les parents ont donc paradoxalement tous l’impression d’être les seuls à rencontrer des difficultés.

On entend parfois parler de burn-out maternel. Le burn-out parental ne toucherait donc pas les pères ?

Moira Mikolajczak : Et bien si ! Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le burn-out parental n’est pas l’apanage des mères. Parmi les parents en burn-out parental, les études recensent 2/3 de femmes et 1/3 d’hommes. Même si les femmes assument toujours 2/3 des tâches parentales, les hommes prennent de plus en plus leur place dans leur rôle de parent, avec les risques qui y sont associés. On l’oublie parfois mais la parentalité est aujourd’hui plus « coûteuse » pour un homme que pour une femme. La société conditionne les femmes depuis toutes petites pour le rôle de mère. Les hommes, non. Les hommes de cette génération n’ont pas vu leur père être papa comme on l’attend des hommes aujourd’hui. Ils apprennent donc leur rôle sur le tard et « sur le tas ». Cette différence disparaîtra sans doute avec les générations. Mais, pour cela, il est important que les nouveaux parents aujourd’hui préparent davantage leurs fils à devenir pères.

Moïra Mikolajczak est docteure en psychologie, professeure à l’Université de Louvain-la-Neuve et directrice de recherches. Elle co-dirige, avec Isabelle Roskam, le Parental Burnout Research Lab, un laboratoire de renommée internationale dans le domaine du burn-out parental, et le Parental Burnout Training Institute qui dispense des formations aux professionnels sur le sujet. Moïra a également co-écrit plusieurs ouvrages de référence sur le burn-out parental (Le burn-out parental : L’éviter et s’en sortir chez Odile Jacob et Le burn-out parental : Comprendre, diagnostiquer et prendre en charge chez De Boeck).